Introduction

Les protéines sont un composant indispensable au fonctionnement normal de l’organisme, dans lequel elle remplisse de nombreux rôles : métabolisme, structure et/ou transport. Au sein du muscle squelettique, elles forment les myofibrilles qui sont les structures responsables de la contraction musculaire.

Dans le contexte sportif, la capacité des athlètes à produire un mouvement adéquat est déterminant dans leur performance et, donc le développement et/ou le maintien d’une masse musculaire squelettique adaptée est primordial. Par conséquent, l’apport protéique journalier doit être adapté en fonction de la discipline et du niveau de performance des athlètes, comme un gain de masse musculaire en préparation d’une compétition ou un maintien lors des périodes « off » au cours de la saison.

Afin de maintenir le fonctionnement normal de l’organisme et une masse musculaire normale, l’OMS recommande un apport journalier minimal de 0,8 à 1,0 g/kg(poids)/jour pour l’ensemble des individus. Cependant, plusieurs études récentes ont montré l’apparition d’une résistance au stimulus anabolique de l’apport en protéine chez des personnes âgées (1). En effet, Moore et al. ont montré que pour provoquer une synthèse protéique musculaire identique, un homme âgé devait ingérer 0,40 g/kg(poids) de protéines au cours d’un repas contre 0,24 g/kg(poids) pour un homme jeune. Ces résultats ont amené plusieurs équipes à continuer ces recherches, notamment chez les femmes (2,3), montrant que l’apport minimal recommandé chez les personnes âgées était sous-estimé de 30 à 50%. Ces résultats ont ensuite amené plusieurs auteurs à recommander un apport journalier en protéines de 1,2 g/kg(poids)/jour, bien réparti sur la journée avec un minimum de 3g de leucine par apport, pour les personnes de plus de 60 ans dans le but de maintenir une masse musculaire normale (4).

Cet exemple observé chez les personnes âgées montre bien qu’il est nécessaire d’adapter l’apport en protéines à la population en fonction de ses caractéristiques, notamment sa pratique sportive.

Les apports protéiques chez les sportifs

Comme évoqué précédemment, il est nécessaire d’adapter l’apport protéique d’un sportif en fonction de deux facteurs : sa pratique sportive et ses objectifs, à long terme et/ou au cours de la saison qui peuvent être un gain ou un maintien de la masse musculaire squelettique. Dans les deux cas, l’objectif est d’apporter une quantité suffisante d’acide aminés pour créer de nouvelles myofibrilles, et créer une hypertrophie, ou d‘éviter que les myofibrilles ne soient dégradées pour fournir les acides aminés nécessaires au fonctionnement de l’organisme.

Depuis 2017, l’International Society of Sports Nutrition recommande un apport journalier en protéines de 1,4 à 2,0 g/kg(poids)/jour dans le but d’augmenter la masse musculaire ou de la maintenir a minima (5). De plus, dans le cas particulier des athlètes entraînés en force, comme les haltérophiles ou les rugbymen, elle recommande un apport de 2,3 à 3,1 g/kg(poids)/jour afin de maintenir leur masse musculaire lors des phases hypocaloriques.

Bien qu’adaptées aux athlètes, ces recommandations ne permettent pas de distinguer l’apport protéique journalier adapté à un maintien de la masse musculaire et celui adapté à un gain de masse musculaire. Dans une méta-analyse réalisée en 2018 et regroupant 49 études, Morton et al. (6) ont montré que les gains de masse musculaire associés à l’apport protéique étaient croissants entre 0,9 et 1,6 g/kg(poids)/jour, avant d’atteindre un plateau à partir de 1,6 g/kg(poids)/jour (Figure 1). En d’autres termes, un athlète ayant un apport compris entre 0,9 et 1,6 g/kg(poids)/jour aura un gain en masse musculaire de plus en plus important à mesure que son apport protéique augmente alors que de 1,6 g/kg(poids)/jour ou de 2,2 g/kg(poids)/jour, les gains de masse musculaire seront identiques pour un
même entraînement en résistance.

Figure 1 : Graphique représentant le gain de masse hors graisse (ΔFFM) en fonction de l’apport protéique journalier. Extrait de Morton et al. 2018 (6).

Ainsi, les auteurs de cette étude recommandent un apport protéique journalier entre 1,6 et 2,2 g/kg(poids)/jour dans le but de maximiser les gains de masse musculaire induits par un entraînement en résistance. Par conséquent, dans le cadre des sports nécessitant un entraînement en résistance important (ex : haltérophilie), il est intéressant de conseiller cet apport protéique dans le but de maximiser la masse musculaire des athlètes.

Classiquement, l’augmentation des apports protéiques est souvent présente dans les sports nécessitant un haut niveau d’entraînement en résistance et peu dans les sports d’endurance. En effet, la performance dans les sports d’endurance reposant essentiellement sur la capacité des glucides et des lipides à fournir de l’énergie au cours de l’effort, ce sont les deux macronutriments qui sont le plus surveillés chez ces athlètes. Cependant, il semblerait qu’environ 20% des apports énergétiques au cours d’un exercice en endurance proviennent des protéines (7), augmentant ainsi les besoins protéiques journaliers de façon importante. Par conséquent, il est également recommandé un apport journalier compris entre 1,4 et 2,0 g/kg(poids)/jour afin d’éviter que les protéines musculaires ne soient consommés pour compenser et ainsi maintenir la masse musculaire des athlètes entraînés en endurance (8).

Etant donné que jusqu’à 20% de l’énergie fournie au cours de l’exercice provient des protéines, il est légitime de se poser la question de savoir si un apport protéique adapté durant l’effort permettrait d’améliorer les performances, via un apport énergétique par les protéines plus élevé. Plusieurs études ont été menées pour répondre à cette question, et un apport protéique durant un exercice ne permet pas d’augmenter les performances (5) mais il semble qu’un apport de 0,25g/kg(poids)/heure permettent de diminuer les dommages musculaires induits par l’exercice (8).

En conclusion, les athlètes nécessitent un apport protéique plus important que les recommandations de l’OMS avec des doses de :

  • 1,6 à 2,2 g/kg(poids)/jour afin d’augmenter la masse musculaire
  • 1,4 à 2,0 g/kg(poids)/jour afin de maintenir la masse musculaire

Augmentation des apports protéiques et fonctions rénales

Un frein à l’augmentation de l’apport protéique journalier chez les athlètes serait une dégradation progressive de la fonction de filtration des reins. En effet, une augmentation ponctuelle de l’apport protéique provoque une augmentation du débit de filtration rénale (9), ce qui endommagerait progressivement les reins. Cela a été observé particulièrement chez des individus présentant déjà une insuffisance rénale modérée ou des comorbidités favorisant l’apparition d’une insuffisance rénale, comme l’hypertension artérielle (10).

Lors d’une étude effectuée chez des hommes entraînés en résistance, Antonio et al. (11,12) ont montré qu’un apport journalier supérieur à 3 g/kg(poids)/jour durant un an ne modifiait pas la créatinurie, indiquant ainsi une absence de dommages au niveau rénal.  Cependant, des cas d’insuffisance rénale ont été précédemment observés chez des bodybuilders (13), pouvant suggérer un effet délétère de l’apport protéique journalier élevé sur la fonction rénale. Ce résultat reste tout de fois à tempérer étant donné que l’apport protéique journalier de ces bodybuilders était compris entre 4 et 30 g/kg(poids)/jour, soit 10 fois l’apport utilisé dans la publication d’Antonio et al. ! De plus, beaucoup des cas rapportés sont associés à une supplémentation en créatine 22 fois supérieure à l’apport maximal recommandé, à une prise de stéroïdes anabolisants et de diurétiques au moment des compétitions. Ces trois facteurs peuvent également fortement endommager les reins et donc il est extrêmement difficile de conclure que l’apport protéique seul est responsable des dommages rénaux observés chez ces bodybuilders.

En conclusion, les recommandations actuelles pour un apport protéique adapté chez les athlètes n’entraînent pas de problèmes rénaux tout en permettant des bénéfices sur la composition corporelle. Les cas observés d’insuffisance rénale semblent liés à la combinaison de plusieurs facteurs :

  • un apport protéique journalier associé à une supplémentation en créatine à des doses très supérieurs (entre 10 et 22 fois) aux apports maximaux recommandés
  • une prise de stéroïdes anabolisants, dans un but d’hypertrophie, et de diurétiques, dans un but de se déshydrater, qui sont tous les deux considérés comme des produits dopants.

Conclusion

Étant donné leur pratique sportive, les athlètes ont besoin d’un apport protéique journalier plus élevé que les apports journaliers recommandés pour la population générale afin de 1) maintenir leur masse musculaire squelettique, avec un apport de 1,4-2,0 g/kg(poids)/jour, ou 2) gagner en masse musculaire squelettique, avec un apport de 1,6-2,2 g/kg(poids)/jour. Chez des sujets sains, ces apports supérieurs aux recommandations ne semblent pas entraîner de risques au niveau rénal, même s’il faut faire attention à la présence de comorbidités dans le cas de sportifs amateurs.

Références

  1. Moore DR, Churchward-Venne TA, Witard O, Breen L, Burd NA, Tipton KD, et al. Protein ingestion to stimulate myofibrillar protein synthesis requires greater relative protein intakes in healthy older versus younger men. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. janv 2015;70(1):57‑62.
  2. Rafii M, Chapman K, Owens J, Elango R, Campbell WW, Ball RO, et al. Dietary protein requirement of female adults >65 years determined by the indicator amino acid oxidation technique is higher than current recommendations. J Nutr. janv 2015;145(1):18‑24.
  3. Tang M, McCabe GP, Elango R, Pencharz PB, Ball RO, Campbell WW. Assessment of protein requirement in octogenarian women with use of the indicator amino acid oxidation technique123. Am J Clin Nutr. avr 2014;99(4):891‑8.
  4. Traylor DA, Gorissen SHM, Phillips SM. Perspective: Protein Requirements and Optimal Intakes in Aging: Are We Ready to Recommend More Than the Recommended Daily Allowance? Adv Nutr. mai 2018;9(3):171‑82.
  5. Jäger R, Kerksick CM, Campbell BI, Cribb PJ, Wells SD, Skwiat TM, et al. International Society of Sports Nutrition Position Stand: protein and exercise. J Int Soc Sports Nutr. 2017;14:20.
  6. Morton RW, Murphy KT, McKellar SR, Schoenfeld BJ, Henselmans M, Helms E, et al. A systematic review, meta-analysis and meta-regression of the effect of protein supplementation on resistance training-induced gains in muscle mass and strength in healthy adults. Br J Sports Med. mars 2018;52(6):376‑84.
  7. Gibala MJ. Protein Metabolism and Endurance Exercise. Sports Med. 1 avr 2007;37(4):337‑40.
  8. Casazza GA, Tovar AP, Richardson CE, Cortez AN, Davis BA. Energy Availability, Macronutrient Intake, and Nutritional Supplementation for Improving Exercise Performance in Endurance Athletes. Curr Sports Med Rep. juin 2018;17(6):215‑23.
  9. Cuenca-Sánchez M, Navas-Carrillo D, Orenes-Piñero E. Controversies Surrounding High-Protein Diet Intake: Satiating Effect and Kidney and Bone Health12. Adv Nutr. 7 mai 2015;6(3):260‑6.
  10. Ko GJ, Rhee CM, Kalantar-Zadeh K, Joshi S. The Effects of High-Protein Diets on Kidney Health and Longevity. J Am Soc Nephrol JASN. août 2020;31(8):1667‑79.
  11. Antonio J, Ellerbroek A, Silver T, Orris S, Scheiner M, Gonzalez A, et al. A high protein diet (3.4 g/kg/d) combined with a heavy resistance training program improves body composition in healthy trained men and women – a follow-up investigation. J Int Soc Sports Nutr. 20 oct 2015;12(1):39.
  12. Antonio J, Ellerbroek A, Silver T, Vargas L, Tamayo A, Buehn R, et al. A High Protein Diet Has No Harmful Effects: A One-Year Crossover Study in Resistance-Trained Males. J Nutr Metab. 11 oct 2016;2016:e9104792.
  13. Tidmas V, Brazier J, Hawkins J, Forbes SC, Bottoms L, Farrington K. Nutritional and Non-Nutritional Strategies in Bodybuilding: Impact on Kidney Function. Int J Environ Res Public Health. 3 avr 2022;19(7):4288.