L’alimentation est ce qui permet de maintenir nos fonctions vitales. Pour qu’elle puisse remplir son rôle, nous devons au moins combler nos apports caloriques journaliers minimaux.

Au-delà de sa fonction physiologique, les dimensions socioculturelle et psychologique ont un impact majeur sur notre comportement alimentaire.

En effet, il s’agit surtout de jongler entre ses besoins et son envie, ses émotions et le degré de plaisir que l’on éprouve à manger.

La dénutrition concerne : 

·       10 % des personnes âgées à domicile

·       10 % d’enfants hospitalisés

·       30 % de personnes hospitalisées

·       40% des malades atteints de cancer

On parle de dénutrition lorsqu’un organisme connaît un déséquilibre nutritionnel. Ce déséquilibre est caractérisé par un bilan énergétique et/ou protéique négatif.

Il existe de multiples situations à risque, parmi lesquelles il y a :

·       Les pathologies chroniques (cancer, infection…)

·       Les conséquences de traitement lourd

·       Les troubles bucco-dentaires

·       Les troubles de la déglutition

·       Les régimes restrictifs

·       Etc…

Dans ces situations à risque de dénutrition, nous observons des changements mesurables au niveau des fonctions physiologiques et/ou au niveau de la composition corporelle.

Ces modifications provoquent des effets délétères sur les différents tissus, et elles sont bien souvent associées à une aggravation du pronostic des pathologies.

Selon l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), il existe plusieurs signaux d’alerte permettant de déceler précocement la dénutrition :

·       Revenus insuffisants, ne permettant pas d’assumer les frais liés aux besoins alimentaires

·       Perte d’autonomie (physique ou psychique)

·       Manque de force et d’envie de faire des courses (dépression)

·       Difficulté à macher ou avaler (problèmes bucco-dentaires)

·       Régime restrictif (volonté de perte de poids, TCA)

·       Prise de moins de 3 repas par jour, sont les portions sont insuffisantes

·       Constipation

·       Perte de poids flagrante, vêtements qui flottent ou qui tombent facilement

·       Atteinte d’une quelconque maladie

Si une personne présente au moins 2 de ces signaux, il est alors conseillé de consulter un médecin afin d’évaluer l’état nutritionnel de façon complète.

Comment prévenir la dénutrition ?

Les conseils de notre diététicienne :

·       Prendre un petit-déjeuner salé

Plutôt que d’opter pour la traditionnelle tartine de beurre à la confiture, essayez plutôt les petits-déjeuners anglais ou allemands, plus riches en protéines et dont l’index glycémique est bien plus bas.

Ces petits-déjeuners permettent de combler les besoins en protéines et d’éviter les creux en fin de matinée.

·       Enrichir les repas principaux

Chaque repas doit être enrichit à l’aide de différents aliments riches en énergie.

Par exemple :

·       Matières grasses : beurre, huile, margarine, crème fraîche, des fruits oléagineux

·       Protéines : poudre de lait, fromage râpé, miettes de thon

·       Glucides complexes : farine, vermicelles, semoule

·       Glucides simples : sucre, confiture, miel, crème de marron, fruits secs

·       Privilégier les protéines

Dans le but de gagner en masse maigre, il est indispensable de consommer des protéines à tous les repas principaux.

C’est-à-dire de la viande, du poisson, des œufs, et du fromage ou yaourt.

·       Prendre des collations

Les personnes sujettes à de la dénutrition manquent généralement d’appétit pour combler leurs besoins en protéines, et de façon générale, en énergie.

Dans ce cas, il est nécessaire de fractionner l’alimentation en plusieurs prises, tout au long de la journée.

En effet, le fait d’ajouter des collations en milieu de matinée et en milieu d’après-midi permet d’augmenter les ingesta quotidiens.

·       Ne sauter aucun repas

Il est important de continuer à prendre au moins 3 repas par jour, et idéalement 2 collations.

Le fait de sauter un repas induit un jeûne, qui provoquera une perte de masse maigre.

Même si les portions sont petites lors des repas, il est nécessaire de maintenir ces repas principaux.

·       Bannir les produits allégés

Pour lutter contre la dénutrition, il convient de choisir des aliments riches et de bannir tout aliment allégé.

A l’inverse, les produits gras et sucrés qui sont bannis lors des régimes amaigrissants sont vivement conseillés pour prévenir un état de dénutrition, à condition qu’ils soient consommés avec modération et que le patient n’y présente aucune contre-indication médicale.

·       Assaisonner ses plats

Pour relever le goûts des repas, il est vivement conseillé d’ajouter un peu de sel (sauf contre-indication médicale), ainsi que des épices et des herbes aromatiques.

·       Manger une pâte de fruit en collation du soir

Il a été prouvé que la consommation de fructose le soir quelques heures après le dîner, permet de limiter la perte de masse maigre liée au jeune nocturne.

Afin de faciliter la consommation et la digestion de fructose, il est donc conseillé de consommer une pâte de fruit le soir.

La bio-impédancemétrie et la dénutrition

Les indicateurs de base et leurs limites

Le poids reste un indicateur rapide de suivi de l’état nutritionnel d’un individu. Dans la dénutrition, nous observons généralement une perte de poids rapide sur une période courte ou alors un poids faible. 

Cependant, il peut être difficile de mesurer le poids de patients qui sont à forts risques de dénutrition soit parce que ceux-ci sont alités soit car ils présentent des troubles musculosquelettiques rendant la mesure sur une balance difficile. Par conséquent, l’utilisation du poids est limitée pour détecter la dénutrition, notamment dans le contexte clinique.

En valeur absolue, un poids seul reste difficilement interprétable, c’est pour cela que l’on utilise l’IMC. Il est considéré qu’un IMC inférieur à 18,5 kg/m² correspond à une dénutrition selon les recommandations de l’HAS. 

Toutefois, l’IMC présente lui aussi certaines limitations. En effet, bien qu’étant un excellent marqueur populationnel, il constitue un marqueur de faible précision lorsqu’il est considéré individuellement, car il n’est pas capable de prendre en compte les différences de composition corporelle (1).

Ainsi, il n’est pas rare de trouver des personnes, notamment des sportifs/sportives de haut niveau, présentant des IMC inférieurs à 18,5 kg/m² et n’étant pas en dénutrition.

De la même façon, des individus en obésité sarcopénique, une forme particulière de dénutrition, possèdent, quant à eux, des IMC élevés.

Dans ce contexte, l’utilisation de la bioimpédancemétrie comme diagnostic de la dénutrition est croissante, notamment avec l’évolution des recommandations qui intègrent les dispositifs à bioimpédancemétrie comme outil diagnostic au même titre que le DXA.

Un des avantages de la bioimpédancemétrie est sa capacité à évaluer rapidement, de manière non-invasive et peu coûteuse les différents compartiments corporels. 

Elle peut donc être utilisée plus facilement dans un suivi chronique contrairement à des techniques plus précises, mais plus longues et plus coûteuses, telles que le DXA ou l’IRM (2).

Plusieurs marqueurs donnés par le Biody Xpert peuvent être utilisés au cours du suivi pour dépister une dénutrition.

Masse musculaire squelettique des membres

La dénutrition se caractérise notamment par une diminution importante de la masse musculaire associée à une diminution de la force maximale et de l’endurance, provoquant une dysfonction musculaire. 

Elle apparaît avec le vieillissement, et est appelée sarcopénie (3), mais elle est également présente dans le cancer, la cachexie (4).

Pour rappel, la sarcopénie correspond à une perte significative de force et de masse musculaire, et la cachexie correspond à une fonte du tissu adipeux ainsi que du tissu musculaire.

Chez ces patients, cela va limiter leur capacité à effectuer leur activité journalière (5) et donc diminuer leur qualité de vie. 

De plus, dans le cas des patients atteints de cancer, la cachexie diminue fortement leurs chances de survie (6), amenant les professionnels de santé à surveiller l’apparition de la cachexie.

L’index ASMI (Appendicular Skeletal Muscle Index), qui correspond au ratio Masse musculaire squelettique des membres (kg)/taille² (m²), est un marqueur particulièrement utile dans la détection de la sarcopénie/cachexie. 

En effet, une valeur de cet index inférieure à 7,26 kg/m², pour les hommes, et de 5,45 kg/m², pour les femmes, est considérée comme la présence d’une sarcopénie/cachexie (7).

Il est également possible de détecter une sarcopénie/cachexie lors du suivi d’un patient via la vitesse de diminution de la masse musculaire de membres. 

Si une perte de plusieurs centaines de grammes sur un temps court (quelques semaines) est observée alors une sarcopénie/cachexie est en train de se mettre en place. Il devient alors possible de la limiter voire de l’éviter avec une prise en charge nutritionnelle et par l’exercice adaptée et de façon précoce (4,8).

Enfin, dans un contexte clinique, si une diminution rapide est observée, il peut être intéressant de compléter cette observation en effectuant des tests fonctionnels comme la force maximale de préhension, le « Chair stand test » et/ou la vitesse de marche sur 4 mètres (9).

Masse hors graisse

L’index FFMI (Fat-Free Mass Index) correspond à la Masse Hors Graisse (FFM)/Taille² et peut également être utilisé comme marqueur diagnostic de la dénutrition. 

En effet, l’HAS considère qu’un FFMI inférieure à 17 kg/m², pour les hommes, et de 15 kg/m², pour les femmes, est synonyme de dénutrition.

Bien que non spécifique comme l’ASMI, il reste plus précis que l’IMC ne prenant en compte que la masse hors graisse dans le calcul, qui est impactée par la dénutrition contrairement à la masse grasse.

Masse sèche hors graisse

La masse musculaire des membres ainsi que la masse hors graisse sont toutes les deux dépendantes des fluctuations du volume hydrique au cours de la journée, ainsi une diminution de ces deux paramètres peut être liée à une diminution du volume d’eau totale. La masse sèche hors graisse correspond à la quantité totale de protéines et de minéraux et une diminution de ce paramètre est associée à la perte de protéines et/ou de minéraux. 

Par conséquent, si une diminution de la masse sèche hors graisse est observée simultanément à une diminution de la masse musculaire des membres, cela signifie qu’une perte de protéine a eu lieu au sein du muscle squelettique, confirmant ainsi la présence d’une sarcopénie/cachexie.

L’angle de phase

Bien que non spécifique, l’angle de phase peut aussi être un outil intéressant dans le suivi nutritionnel des patients et la détection de la dénutrition et être utilisé en complément des autres paramètres cités plus haut. 

En effet, il a été montré qu’un angle de phase de 4.05°, pour les hommes, et de 3.55°, pour les femmes, pouvait être utilisé comme limite inférieure pour détecter la sarcopénie (10).

Références 

1.         Wallner-Liebmann SJ, Kruschitz R, Hübler K, Hamlin MJ, Schnedl WJ, Moser M, et al. A measure of obesity: BMI versus subcutaneous fat patterns in young athletes and nonathletes. Coll Antropol. juin 2013;37(2):351‑7.

2.         Deurenberg P, Roubenoff R. Body Composition. Introd Hum Nutr MJ Gibney HH Vorster FJ Kok – Sl Blackwell Publ 2002. 1 janv 2009;

3.         Cruz-Jentoft AJ, Bahat G, Bauer J, Boirie Y, Bruyère O, Cederholm T, et al. Sarcopenia: revised European consensus on definition and diagnosis. Age Ageing. janv 2019;48(1):16‑31.

4.         Fearon K, Arends J, Baracos V. Understanding the mechanisms and treatment options in cancer cachexia. Nat Rev Clin Oncol. févr 2013;10(2):90‑9.

5.         Twomey R, Aboodarda SJ, Kruger R, Culos-Reed SN, Temesi J, Millet GY. Neuromuscular fatigue during exercise: Methodological considerations, etiology and potential role in chronic fatigue. Neurophysiol Clin Clin Neurophysiol. avr 2017;47(2):95‑110.

6.         Ryan AM, Power DG, Daly L, Cushen SJ, Ní Bhuachalla Ē, Prado CM. Cancer-associated malnutrition, cachexia and sarcopenia: the skeleton in the hospital closet 40 years later. Proc Nutr Soc. mai 2016;75(2):199‑211.

7.         Walowski CO, Braun W, Maisch MJ, Jensen B, Peine S, Norman K, et al. Reference Values for Skeletal Muscle Mass – Current Concepts and Methodological Considerations. Nutrients. 12 mars 2020;12(3):E755.

8.         Paddon-Jones D, Campbell WW, Jacques PF, Kritchevsky SB, Moore LL, Rodriguez NR, et al. Protein and healthy aging. Am J Clin Nutr. juin 2015;101(6):1339S-1345S.

9.         Beaudart C, Rolland Y, Cruz-Jentoft AJ, Bauer JM, Sieber C, Cooper C, et al. Assessment of Muscle Function and Physical Performance in Daily Clinical Practice : A position paper endorsed by the European Society for Clinical and Economic Aspects of Osteoporosis, Osteoarthritis and Musculoskeletal Diseases (ESCEO). Calcif Tissue Int. juill 2019;105(1):1‑14.

10.       Yamada M, Kimura Y, Ishiyama D, Nishio N, Otobe Y, Tanaka T, et al. Phase Angle Is a Useful indicator for Muscle Function in Older Adults. J Nutr Health Aging. 2019;23(3):251‑5.